Ecoovie

Les squelettes ambulants
 

(Source BULLES n°80 - 4ème trimestre 2003)

 

Mis en ligne le 15 mars 2004
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Ecoovie est cette secte où les adeptes croient que l’on doit sucer l’énergie à partir de la terre. Le procès du gourou est en cours au Canada. Un ex-adepte français y lutte pour ses enfants. Voici le témoignage résumé donné par une ex-adepte danoise au quotidien Jyllands Posten en Août 2003. Depuis, elle est allée témoigner en Justice au Québec. Les juges canadiens arrêteront-ils enfin les crimes du gourou et ceux de la Tribu qu'il a fanatisés ?

Dans la banlieue de Copenhague, une femme de 38 ans, Jill Rubini avait 18 ans quand elle a suivi la troupe, et ceci pendant 10 ans. Dans le contexte des années 70, il n'était pas bizarre d'inventer un mode de vie prêchant de s'harmoniser avec la nature. Venant de Paris, un certain Maltais se présentait comme survivant de la tribu indienne Micmac. Cheveux longs et noirs, nez aquilin, on l’a cru quand il déclarait à la TV : "On m’a demandé de venir en Europe pour y faire la clarté sur le mal". Son rayonnement intense, son sens psychologique développé lui attirèrent vite des adorateurs européens avides de ferveur. Suivant ses promesses de vie plus en harmonie avec la nature, ils furent persuadés de devoir abandonner leur passé, leur famille, de lui donner leur argent et de fuir le grand ennemi, la société.

Par les chemins de campagne, le troupeau a marché. La soi disante Université itinérante de la liberté visait à libérer la nature des ravages dus à l’humanité. Jill avait d’abord eu vent d’Ecoovie dans une école privée. L’idée de vivre comme les Indiens la fascinait, elle qui avait passé une partie de son enfance dans une maison pour jeunes, sans repères pour l’existence. "J’étais punk, végétarienne, je haïssais la société. En réalité j’étais faible et sans assurance. Je croyais que cela allait me renforcer... Je voyais là une vie simple dans les forêts européennes... En même temps je pouvais dire adieu à un passé affreux. Bref, j'étais une vraie victime potentielle pour secte".

Les années terribles
La relation avec Maltais a coûté à Jill la vie de 2 enfants. Vers la fin des années 70, le groupe s’appelait "La Tribu". Les 500 à 700 adeptes s'habillaient à l’indienne et dénoncaient les hôpitaux, médecins, écoles, institutions, médicaments et machines, comme étant le mal. Ils ont vécu dans les forêts et les montagnes en France, Espagne, Maroc, Belgique, Suède, Danemark, Finlande, Haïti, sous des "tipis" de branchages, se nourrissant de brindilles, feuilles, baies, mais sans ta-bac ni drogues, ni alcool. La troupe affamée et exténuée a été appelée les squelettes ambulants par les autorités qui les chassaient, dit Cyril Malka, un psychanalyste franco-danois qui combat les méfaits des sectes.

"Au départ c’était purement idyllique, ça correspondait à mon attente. Pas de crainte ; je me sentais aimée et heureuse.... Peu à peu les leaders ont fait sentir leurs exigences, réglant la vie quotidienne dans les moin-dres détails ; et il fallait travailler nuit et jour dans la confiance et le merveilleux amour de Maltais. Nous devions travailler 6 heures, puis dormir 2 heures, souvent réveillés pendant cette pause. La suppression du sommeil est de règle pour un réel lavage de cerveau. Nous étions aussi stressés par les brusques changements, car il fallait décamper. Cela débilite et on en accuse la société ennemie... faite de démons. On y croit, puisque Maltais sait tout" dit Jill.

" Maltais avait une emprise totale ; il était comme une représentation de Jésus. Même quand il a été en prison [en Belgique], il était craint, comme capable de voyager hors de son corps, de lire les pensées et de parler toutes les langues. Les adeptes vivant comme des bêtes, avaient de la nourriture une fois par jour, afin de soi-disant épargner notre Mère Terre. Alors la nuit on se volait entre nous la nourriture. La diarrhée, les carences, la chute des dents étaient habituelles" a dit Jill.

Les notes de son carnet
Après quelques mois Jill fut enceinte d’un français de la secte. C'était mal vu.. Ils avaient marché 1.000km. quand, au cours de l’été, le terme approcha. Elle pesait 45 kg, selon ses notes sporadiques.

29 juin : "J’ai été obligée de faire du stop vers les Pyrenées J’avais un peu de nourriture volée aux autres en supplément de l’ordinaire, mais très peu. J’avais besoin de fer et de sels minéraux... Je transportais ma nourriture moi-même ; c’est stressant de ne pas pouvoir compter sur les personnes avec qui on vit".

mi-juillet : "La marche journalière démarrait sous les étoiles pour un tour de 45 km en terrain accidenté. Quand je souffrais de contractions, j'ai demandé la dispense de marche. Réponse : "Ce n’est pas une course en taxi que nous faisons". On cherchait à tricher grâce à l’auto-stop".

25 septembre : "Les eaux commençant á suinter, je ne pouvais ni mar-cher ni me tenir debout ; je n'ai rien dit étant cataloguée hystérique et casse-pied."

28 septembre : "Partie avant les autres, après 1 km je n’en pouvais plus. La femme qui attendait avec moi a demandé [au leader ?] si je pouvais prendre l’autobus. Réponse : "non, je devais seulement faire une petite halte de temps en temps". Le chemin coupait peu de voies carrossables. Le soir ma compagne a réalisé que j’allais accoucher. Echec d'une tentative de stop : deux hommes ivres nous l'ont refusé. Nous étions près de la ville de Maestu. Nous nous sommes endormies sur le bas-coté."

29 septembre : "Parties de bonne heure, soutenue dans les bras de ma compagne. Douleurs épouvantables. A la fin ma compagne m’a laissée pour courir plus vite au secours. La police est arrivée... J’ai raconté que j'avais une entorse. De peur panique de l’hôpital, j'ai refusé d'y être em-menée... Finalement un autobus est venu. Le campement était dans un lieu inaccessible aux véhicules en cas de complications. Tous étaient préoccupés de manger. J’ai mangé deux pommes de terre à demi crues chauffées sur un feu de bois, mais tous étaient très préoccupés de manger. Une des personnes présentes voulait m’emmener à l’hôpital, mais je ne voulais pas. Ma fille, Shanting, est née à Maestu [Espagne] le 29 septembre. Le lendemain nous l'avons transportée dans le service de néo-natalité. Poids : 1.630 gr. Le 2 novembre, à sa sortie : 2.500 gr."

On peine à imaginer sans l'avoir vu que Jill, comme les autres adeptes, vivait comme dans une transe programmée, un lavage de cerveau. Jill a raconté son histoire en feuilletant un album de photos usé. Ses enfants, intrigués, approchaient : Shanting 18 ans et Sami 11 ans. Elle accuse Maltais, ce menteur, d’avoir ravagé sa vie et causé la mort de son fils Gisgas.

Le magazine canadien Fifth Estate a produit en 1991 une émission documentaire sur ce gourou capable de convaincre n’importe qui de n’importe quoi. Et son propre avocat le concède dans l’émission. Né en 1936 ou 38, il a effectivement vécu en forêts quelques années parmi les Micmacs. En 1988 il a été condamné à trois ans de prison par la Justice belge pour escroquerie de l'ordre de 90 millions de FB. Mais il a été libéré dès avril suivant...[depuis, il est toujours en liberté au Canada.]

Le magazine canadien le montre aussi client connu des grands hôtels européens, mais sous 14 fausses identités. Ainsi Piel Petjemaltest a effectué une série de transactions immobilières pour un cheik d’Arabie Saoudite. D’autres fois c'était Norman William ou Manolin. Il a réussi à escroquer à des organisations humanitaires des projets inexistants.

Faisant ses délices de jeunes hommes
Déjà chez les Micmacs, mais dans les années 80 cela a empiré, "Maltais voulait qu'hommes et femmes vivent séparément... et ne voulait pas d'elles là où il vivait. Au contraire quantités de jeunes hommes, devaient coucher avec lui la nuit", dit Jill, ce que corrobore l’émission de TV, où deux anciens adeptes avouent : "Nous devions lécher son corps. Il était malade et il affirmait que nous lui donnions [ainsi] des forces juvéniles". L’un d’eux disait avoir été âgé alors de 15 ans.

Les enfants
Les enfants étaient mal reçus. Le nourrisson était privé de ses parents biologiques et placé dans un autre campement. L’attachement contreve-nait aux plans de Maltais. Il ne voyait pas ses propres enfants. Jill n'a pu voir Shanting pour l’allaiter que pendant quelques mois avant qu'elle ne soit éloignée.. En 1989 elle a accouché de Gisgas à la 29ème semaine. Il faillit mourir à la naissance. Il a été écarté de 100km dans la forêt finlandaise, ce qui a éveillé la conscience de Jill. Elle a alors voulu quitter... mais elle était terrorisée à la pensée de ne plus revoir ses enfants. De fait elle n'a pu les revoir entre-temps que deux fois mais sans les approcher.

En 1991 elle a accouché d'un mort-né. Elle a réalisé alors que le mode de vie avait tué son enfant. L'année suivante, enceinte à nouveau, elle a enfin quitté la secte définitivement de peur de perdre aussi l'enfant à naître. Admise alors à Rigshospital (Hopital Universitaire de Copenhague), elle y a reçu des soins psychiatriques pendant presque dix ans.

La mort de Gisgas
Pendant cette décade, Jill s'est battue pour sortir ses enfants de la secte qui refusait de dire où ils étaient. Gisgas, trois ans, restait en Finlande. Malade, il refusait la nourriture depuis un mois. Des photos prises un mois avant sa mort montrent son ventre gonflé. Un jour au téléphone une froide voix féminine a dit à Jill : "Ton fils n’est plus ici. Il est pris ailleurs". Jill est aussitôt partie au Nord de la Finlande. Il a fallu des jours pour parvenir au campement perdu dans la forêt.. Gisgas avait été incinéré la veille. Après examen, les autorités avaient conclu à une in-fection non soignée. Des enquêtes sans suites font état d’un certain nombre de décès d’enfants et d’adultes. D'anciens adeptes ont rapporté à Jill, puis à la TV que Gisgas, qui avait été dans le groupe des garcons de Maltais, était mort d’épuisement et avec de grosses pustules sur le corps.

La même année Jill a accouché de Sami. Maltais la détruisait encore psychiquement, et cela a pris encore cinq ans avant qu'elle obtienne de lui la libération de Shanting, 13 ans, au Canada. ” Quand je l’ai vue, j’ai pleuré sans fin. Elle était menue, retardée, la peau et les os. Elle ne parlait que francais et ne me connaissait pas. Au départ elle était effrayée d’être avec moi. Ils lui avaient dit que j’étais un démon ; très peu peuvent comprendre comment cela peut arriver" dit Jill...

"Je survis. Cela me rend forte d’aimer mes enfants, et de penser que nous allons venir à bout de Maltais. Je ne sais ce qui est le plus fort [en moi] de l’amour ou du désir de vengeance ; mais la mort de Gisgas ne peut pas être pardonnée" dit-elle.

Cette année 2003, sept enfants ont été retirés de la cage de la tribu de Maltais mais des adeptes fanatiques vivent encore dans les forêts du Québec !



 
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