Croix glorieuse de DOZULE

Les croix de la discorde
Fabriquées à la Réunion
“Plus véridique que la croix d’une église”
“Au moins 100 croix pour que la Réunion soit sauvée”
“Mon vœu le plus cher est d’y repartir”

Les croix de la discorde

Hautes, bleues et blanches, lumineuses, et surtout nombreuses : les croix d'amour, également appelées croix glorieuses, se multiplient. On en dénombre 7000 dans le monde et 35 à la Réunion. Les "ouvriers de la croix d'amour" craignent les pires catastrophes pour l'humanité si ces croix ne prolifèrent pas. D'où leur volonté d'en installer le plus possible et de les faire bénir. Mais l'évêché s'y refuse, et recommande la prudence aux prêtres, tandis qu'une incontrôlable nébuleuse d'associations s'est emparée du message de Dozulé, le lieu des apparitions du Christ à l'origine de l'élévation des croix glorieuses. Décembre 1999, à la Plaine des Cafres. Une croix bleue et banche, haute de 7m38, entourée d'un néon lumineux et orientée d'est en ouest, se dresse en contrebas d'une case, près des champs. Autour d'elle, une centaine de personnes se pressent, se recueillent. Le prêtre bénit l'impressionnant ouvrage. La troisième "croix glorieuse", après celle du Guillaume et celle de Quartier français, à être installée à la Réunion par les "ouvriers de la croix d'amour", venus de métropole. Retour en arrière. Entre 1972 et 1978, à Dozulé - petit chef-lieu de canton du Calvados -, une femme d'une cinquantaine d'années nommée Madeleine Aumont aurait des apparitions : le Christ lui annonce son prochain retour en gloire, et demande, avec la minutie et la précision d'un architecte, la construction d'un bassin de purification et d'une croix glorieuse de 738 m - soit la hauteur du Golgotha, et deux fois celle de la Tour Eiffel-, pour que Dozulé soit épargné par le cataclysme annoncé. L'évêque de Bayeux, puis le cardinal Ratzinger, refusent de reconnaître ces apparitions et interdisent la construction d'un sanctuaire à Dozulé.

Fabriquées à la Réunion

Étape suivante : l'idée est reprise par de nombreuses associations -dont certaines à tendance sectaire, comme les Amis de la croix glorieuse de Dozulé (ACGD). Une femme se faisant appeler JNSR (Je ne suis rien, ou encore Jésus notre seigneur revient) prend le relais de la dame Aumont et propose de construire des centaines de croix de 7m38. Son secrétaire, un certain Fernand Aleman, prend contact avec les personnes qui achètent ses livres publiés aux éditions Résiac - possédées par les ACGD -, dans le monde entier. D'après les derniers recensements, 7000 croix d'amour seraient dispersées sur tous les continents, et se développeraient essentiellement en Afrique ces derniers temps. à la Réunion aussi, les croix glorieuses se multiplient. Un miracle ? Pas vraiment. Si les "âmes éclairées" se manifestent de plus en plus, c'est aussi parce que depuis peu, une lettre comportant le message de Dozulé circule sur l'île. Extraits : "à chaque endroit où la croix de 7m38 sera construite et où sera dite la prière de Dozulé, ce lieu sera protégé de tout cataclysme, cela vient de Jésus (.). Seule ma croix d'amour peut faire barrage au Mal, arrêter les peuples en guerre, repousser les maladies contagieuses (.). Que vous soyez de France ou d'ailleurs, la croix du Seigneur veillera toujours sur ses enfants qui donnent leur terrain, leur argent (une croix vaut entre 600 et 2300 euros, ndlr) pour faire naître une croix d'amour, ses enfants qui la fabriquent, la posent."

“Plus véridique que la croix d’une église”

Ces derniers sont quatre à la Réunion. Ils ont appris la méthode auprès des ouvriers de la croix d'amour de métropole, qui désormais n'ont plus à se déplacer jusqu'ici. On ne trouve donc pas d'antenne locale des ACGD, mais les nouvelles croix fleurissent : huit depuis janvier, 35 en tout, deux en cours de fabrication. Et à chaque élévation, le même problème : trouver un prêtre pour bénir la croix. Dans certains cas, ce sont des missionnaires qui y procèdent. Au début, des prêtres réunionnais bénissaient aussi ces croix lumineuses. Depuis la circulaire de Mgr Aubry cependant, ils s'y refusent (voir ci-contre). Car l'évêché ne reconnaît pas les croix glorieuses. Ce qui désole les ouvriers de la croix : "Nous ne comprenons pas pourquoi l'évêque est contre nous", répètent ces hommes et ces femmes qui se réclament en effet de la foi catholique. Pour preuve : la photo de François, l'un des ouvriers, béni par le pape, et les lettres d'évêques et de prêtres africains réclamant des croix pour leurs paroisses. La prière de Dozulé, que les ouvriers se doivent de faire tous les jours au pied de leur croix, ne les empêche pas non plus de se retrouver sur les bancs de l'église le dimanche. "Bien au contraire", expliquent-ils, même si l'un d'entre eux confie que "la croix de Dozulé est plus véridique que celle d'une église, surtout grâce à ses couleurs qui sont celles de Marie."

“Au moins 100 croix pour que la Réunion soit sauvée”

Les ouvriers de la croix d'amour ne sont pas tous des brebis égarées ou des gourous potentiels. Ils sont de tous les âges et de toutes les régions de l'île, et ont pour principal point commun de se réfugier dans l'abondante littérature des éditions Résiac, et notamment les dix volumes des Témoins de la croix. Chrétiens magazine est également l'un de leurs favoris - le prochain numéro devrait d'ailleurs être consacré aux croix réunionnaises. Pourquoi ces croix, leur demandez-vous ? "Pour éviter le pire, répond l'un des ouvriers. Jésus avait prévenu que si sa croix de 738 m n'était pas élevée, des guerres, des maladies et toutes sortes de catastrophes allaient arriver. Résultat : le Mal règne partout dans le monde. Nos croix au centième vont nous protéger, et protégeront une contrée entière." Qu'entend-on par "con trée", la question reste ouverte. Quelques calculs font dire à un propriétaire de croix lumineuse qu'il en faudrait "au moins 100 à la Réunion pour que l'île soit protégée." Il en manquerait donc une bonne soixantaine. Et le temps presse, selon les ouvriers. La dernière croix doit en effet être érigée à Naju, en Corée du Sud, où une vierge pleurerait du sang, l'un des signes du prochain retour du Seigneur. La croix est fabriquée, ne reste plus qu'à l'élever. Alors, il sera impossible d'ériger de nouvelles croix, et les ouvriers de la croix d'amour prédisent les pires maux à ceux qui n'auront pas élevé la leur d'ici là. Tout en proposant des modèles réduits pour les appartements, de 73,8cm, soit le millième de la croix demandée à Dozulé.

“Mon vœu le plus cher est d’y repartir”

Des milliers de pèlerins à Dozulé, en Normandie : “Mon vœu le plus cher est d’y repartir”Une "haute-butte", un calvaire, un bassin, et des milliers de personnes. Entre Caen et Le Havre, à deux pas de Lisieux, se trouve Dozulé, le petit village où Madeleine Aumont aurait reçu les messages du Christ, et notamment sa demande de construire une croix glorieuse haute de 738 m. Des prières y sont célébrées chaque jour en petit comité, et deux fois par an, en mars et en septembre, le lieu est envahi de pèlerins : "Il y a là des milliers de personnes, au moins une quinzaine de pays représentés, et à peine la place de s'asseoir pour pique-niquer", confie une Réunionnaise qui a déjà effectué le voyage trois fois. Bus, taxis, gendarmes et pompiers sont mobilisés. Et le parcours s'organise, depuis Lisieux. Après un passage à l'église de Dozulé, les fidèles grimpent la "haute-butte", où ils récitent la prière de Dozulé, puis font la queue pour pénétrer dans un petit bassin, où il leur est demandé de se laver le visage, "en signe de réconciliation". "L'eau de Dozulé a guéri une crise de ma sour, alors atteinte d'une grave maladie", explique notre témoin, qui a par la suite envoyé tous ses enfants en pèlerinage sur cette "terre sainte". "La force de la foi à Dozulé soulève des montagnes", poursuit cette Réunionnaise, qui s'est également recueillie douze fois à Lourdes, et pour qui ces "repères" sont les seuls moyens d'avancer "dans ce monde de fous". Malgré les difficultés, elle garde aujourd'hui un espoir, celui de "repartir à Dozulé", son "vou le plus cher".

Les Amis de la Croix Glorieuse de Dozulé

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