Soka Gakkai, une organisation bouddhiste fort influente dans l'archipel nippon, étale sa publicité' dans le Palais des Nations. Interview de son responsable pour la Suisse.
Soka Gakkai, une organisation bouddhiste japonaise, présente dans 115 pays et qui compte 300 membres en Suisse, suscite depuis longtemps une vive polémique dans son pays d'origine. Il s'agirait a la fois d'un mouvement religieux et politique, dote' d'une puissance économique non négligeable, qui a pris un grand essor dans l'après-guerre. A Genève, elle est restée, jusqu'à présent, discrète... sauf au Palais des Nations, ou elle se fait connaître auprès des participants a la CONFERENCE annuelle des droits de l'homme: une exposition intitulée"vers un 21e siècle plus humain", qui montre, avec texte et photos, un panorama complet des problèmes du monde actuel (guerres, pauvreté, dictatures...) sans suggérer de solutions, mais en invitant les visiteurs a communiquer leurs impressions au siège genevois du mouvement.
Qu'est la Soka Gakkai? Ses membres considèrent qu'elle incarne la seule forme valable de bouddhisme. Ses détracteurs, quant a eux, l'accusent d'être, en dépit de son discours pacifiste, une secte pratiquant des conversions forcées par "lavage de cerveau". Son président actuel, Daisaku Ikeda, a la tête de l'organisation depuis 1960, l'aurait doublée d'un véritable empire financier, ainsi que d'un bras politique, le parti Komeito, qui vient de renforcer sa présence dans le parlement du pays (passant de 45 a 55 sièges).
Une chose est sure" La Soka Gakkai nourrit, comme nombre de multinationales de la spiritualité des ambitions a l'échelle mondiale. La section internationale est représentée dans 115 pays. Elle jouit depuis 1983 d'un statut consultatif auprès du Conseil économique et social de l'ONU. L'ancien secrétaire général de l'organisation [de l'ONU], Javier Perez de Cuellar, lui a décerné le prix de la paix des Nations Unies en 1989.
Que veut la Soka Gakkai? Pour en savoir plus, nous avons rencontré son président pour la Suisse, Yoji Takahashi, qui nous a reçus dans son lieu de travail" les locaux genevois d'une agence de voyages japonaise. Souriant, aimable, presque timide, il nous a aussitôt accordé un entretien de deux heures, dont nous publions ici quelques extraits... en laissant au lecteur le soin de juger.
GHI: - Quels sont vos buts?
Yoji Takahashi: La paix
et le bonheur pour l'humanité. Notre doctrine prône le respect et
la dignité de l'être humain, sans discrimination, dans le respect
mutuel. Au Japon, la majorité des gens sont athées. Il y a aussi
des shintoïstes, qui pratiquent la religion primitive japonaise et des chrétiens...
Nous devons retourner au bouddhisme et au bouddhisme de Nichiren Daishonin, réincarnation
du vrai Bouddha, né au XIIIe siècle au Japon. Il y a d'autres formes
de bouddhisme, importées plus tard de Chine ou de Corée. Mais elles
sont fausses.
- Il parait que vous pratiquez une forme de conversion nommée
'Shakubuku'... Qu'est-ce que c'est"
- 'Shaku' veut dire 'briser'. Le shakubuku,
c'est briser les pensées erronées, les idéologies confuses.
Quand l'idéologie est confuse, le pays se dégrade. Alors les divinités
bouddhiques s'en vont. Au contraire, quand l'idéologie n'est pas confuse,
elles reviennent.
- Concrètement, comment pratiquez vous le 'Shakubuku'?
- C'est une méthode assez forte.
- C'est-a-dire?
-
Nous insistons beaucoup.
- Comment? Avec des coups, par exemple?
-
Non, nous ne sommes pas violents. Mais nous allons visiter les gens chez eux,
plusieurs fois, et nous discutons avec eux jusqu'à ce qu'ils comprennent
que ce qu'ils croient est faux.
- Qu'est-ce qui est faux?
- Par
exemple, le bouddhisme zen, la méditation pour atteindre le nirvana, c'est
faux. Autre exemple: le boudhisme jodo. Ses tenants croient que notre monde est
provisoire et qu'on va vers une terre pure après la mort. C'est faux egalement.
Nous, nous pratiquons le bouddhisme correct, nous nous efforcons de nettoyer notre
intérieur, d'en enlever la saleté.
- Croyez-vous qu'il existe des écoles différentes de
la vôtre, mais correctes tout de même?
- Le correct est un,
malheureusement.
- Et les religions d'ici, en Europe? Elles sont fausses?
- Je ne sais pas. Mais ici, en Europe, nous ne pratiquons pas le shakubuku.
Dans les pays qui ne sont pas bouddhistes, nous employons des méthodes
moins fortes.
- Votre financement?
- Il se fait par des dons, volontaires,
des membres, souvent élevés.
- J'ai lu que votre président,
Ikeda, a été en novembre 1991, expulsé de la congrégation
ou est née la Soka Gakkai. Pourquoi?
- C'est de la jalousie. Nous
pratiquons comme il faut et nous en bénéficions dans notre vie quotidienne.
Ils envient notre bonheur.
- Dernière question: parlez-vous de religion
aux représentants de la commission des droits de l'homme?
- Non,
jamais. Mais ils aiment beaucoup nos "expositions."
Nous prenons congé, quelque peu déroutés par tant de certitudes assénées. L'inauguration de l'exposition s'était faite, début décembre, en présence de Vladimir Petrovsky, directeur général de l'organisation [ONU] et d'Ibrahim Fall, directeur du centre des droits de l'homme de l'ONU. Amplement photographiés, ils donnent à cette secte une caution internationale. En a-t-elle vraiment besoin?
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