(source : Marianne,
9 au 15 août 1999. Par Anna Alter)
Les astrologues ont beau se donner du mal de chien pour intégrer
les découvertes des astronomes, ils gardent toujours trois planètes
de retard. A quoi se fier ?
[Texte intégral]
Astronomie et astrologie ont longtemps formé un couple fusionnel.
Les Anciens avaient remarqué que dans l'organisation céleste,
seules les planètes n'occupent pas de position figée. Elles
évoluent au milieu des étoiles. Rasant l'horizon, elles visitent
au cours de leurs promenades nocturnes 12 constellations baptisées
Zodiaque au pied de la voûte étoilée. Les astres vagabonds
- « planète » signifie en grec « errant »
- ne semble suivre que leurs caprices. De là à croire que
Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne, seules stars fantasques
connues jusqu'à la renaissance, donnent un coup de pouce aux dieu
pour guider nos destinées en zigzag, il n'y a qu'un pas que les
astronomes et les astrologues ont franchi de conserve dans l' Antiquité.
Dans la tête de nos aïeux, planètes et divinités
se confondaient : tournant autour de la terre, centre du monde, elles s'amusaient
à déranger les simples mortels. Comme les fées, elles
disposaient des dons dans les berceaux quitte à les contrarier au
gré de leurs humeurs. Déterminé par la position des
planètes à sa naissance, l'homme subissait, au fil de sa
vie, des réglages qui parfois le faisait dérailler. Qu'une
éclipse ou une comète se pointe et toute la société
était menacée par des guerres ou la faim ! Depuis les cieux
ont subit plusieurs révolutions qui ont renversé l'ordre
établi par les Grecs. Le nombre des dieux a été ramené
au mieux à un, au pire à zéro. Celui des planètes
ne cesse d'augmenter. La Terre, déboulonné de son piédestal,
n'occupe plus une position centrale dans le système solaire, encore
moins dans la galaxie. Et l'homme lui-même n'est, aux yeux des savants
modernes, qu'une minuscule poussière d'étoile sur laquelle
a priori les astres lointains n'ont aucune prise. Les astrologues se donnent
pourtant un mal de chien - signe chinois dont le caractère principal
est la ténacité - pour tenir compte de la nouvelle donne.
Dans les horoscopes, ils ont ménagé une place à Uranus,
Neptune, Pluton découverts respectivement en 1781, en 1846
et 1930.
Le premier apporte un zeste de différence, un esprit novateur
et inventif au Verseau, le deuxième rend encore plus idéalistes,
plus émotifs, plus vulnérables les Poissons, enfin le petit
troisième stimule la jalousie et amplifie le mystère du scorpion.
Sauf que l'on sait aujourd'hui que les planètes défilent
devant les étoiles situées au diable, sans lien entre elles.
« Les astrologues obtiendraient des résultats identiques s'ils
ne recouraient à aucun calculs », assure Alfred Vidal-Madjar
qui, dans son livre Il pleut des planètes (Hachette littérature)
explique en détail la mécanique céleste, et en quelques
phrases celle, plus simple, de sa maman : une Bélier, impulsive
et impatiente. « Que l'astrologie ait un effet sur la psychologie,
c'est indéniable, concède l'astrophysicien. Elle marche très
bien, mais elle n'a rien à voir avec la science dont elle se réclame.
»
Mauvais horoscope le matin, chagrin ! Bon horoscope le soir, espoir
! Il suffit d'y croire. Et de savoir qu'après un long passé
commun le divorce entre astronomie et astrologie est consommé. Prononcé
à la demande des scientifiques, aux tors de la seconde. Pour au
moins sept motifs :
Neuf planètes ne suffiraient pas à gouverner du haut du ciel
les comportements de 5 à 10 milliards d'humains
Par le biais de quelle force agiraient-elle ? La gravitation, seule capable
d'avoir de l'effet sur les masses à distances, ne peut expliquer
ce type d'influence individuelle. Bien sûr, ce n'est pas parce que
nous ne connaissons pas cette force qu'elle n'existe pas. Le XXe siècle
a commencé avec deux forces, l'électromagnétique et
la gravitationnelle, et se referme sur quatre, l'interaction forte qui
soude les noyaux atomiques et l'interaction faible qui les désintègre.
Une cinquième est toujours à l'étude. Mais la force
sensée présider à nos destinées devrait être
plus subtile encore. Sans jamais se faire pincer, elle arriverait à
lire de très loin nos bulletins de naissance et en tiendrait compte
dans ses interactions. Ce qui signifie que pour chaque individu, cette
force presbyte agirait de façon indépendante. Mission quasi
impossible.
Nous sommes à la veille d'un remaniement du système solaire.
Pluton appartient à une famille de corps céleste réfugiés
dans la ceinture de Kuiper, derrière Neptune. Les astronomes s'apprêtent
à intégrer les clandestins en leur délivrant le titre
de planètes. Qu'attendent les astrologues pour se mettre au goût
du jour ?
Les astrologues ne se préoccupent pas des météorites,
en particulier des trois astroïdes Vesta, Pellas, Cérès,
dont le plus gros a plus de 700 km de diamètre et qui revendique
sa place au soleil. Ils ont pourtant une influence gravitationnelle supérieure
à Pluton. Les météorites en général
produisent des effets redoutables : tous les cinquante millions d'années,
un de ces rocs extraterrestres se décroche et nous tombe sur
le coin du globe. Les dinosaures en savent quelque chose : ils ne sont
pas là pour s'inquiéter de leur thème astral, mauvais
forcément mauvais.
La vingtaine de planètes extérieures, dont la dernière
a été découverte le 29 juillet 1999 à l'ESO,
autour de l'étoile Iota de la constellation de l 'Horloge, devrait
aussi jouer un rôle dans les prédictions des astrologues.
Car, de deux choses l'une : soit aucune planète n'a d'influence
sur l'homme, soit elles en ont toutes. Certes, les unes sont proches, les
autres lointaines, mais la force inconnue par laquelle les corps célestes
sont censé agir sur nous ne dépend pas de la distance. Si
non ce gringalet de pluton qui crèche à l'autre bout du système
solaire devrait être banni de nos horoscopes.
Le soleil et son cortège planétaire dérivent dans
les constellations et maintenant ils passent aussi par celle d'Ophicus.
Pourquoi ne pas y avoir ajouté une treizième constellation
au Zodiaque ? Parce que treize ça porte malheur ?
Pourquoi aller chercher des planètes, alors qu'un orage fait plus
d'effet ? Les éclairs dégagent plus d'énergie que
n'importe laquelle d'entre elles. De façon plus générale,
le climat pourrait jouer sur le caractère du bébé.
S'il voit le jour en hiver ou en été, les premiers mois de
sa vie, ceux qui laissent des marques indélébiles, se déroulent
différemment. Mais les saisons n'ont rien à voir avec les
planètes : elles sont dictées par l'inclinaison de l'axe
terrestre.