La Scientologie semble inquiète de l'audience de BULLES, puisque, sous couvert d'une "Union Nationale pour la Vérité sur les Associations Anti-Religieuses" elle vient de publier en octobre dernier le n° l d'un nouveau bulletin qui, par la forme, la typographie et la couverture (recto et verso), lui ressemble comme un faux frère.
Son titre : BUlletin de liaison pour la Vérité sur les Associations Anti-Religieuses, BULVAAR !!!
Inutile de dire que le fond en est tout à fait différent. Il suffit de lire le sommaire pour être édifié.
Réactions vigoureuses des parents et d'un frère aîné appuyées par la Presse locale, puis par la nouvelle antenne ADFI.
La Scientologie a alors déclaré que l'intéressé "doit d'abord régler ses problèmes avec sa famille", et elle a remboursé les 2.900 francs versés.
Le 10 février, ce sont 250 étudiants qui s'assoient par terre devant le siège de la Scientologie tout proche de l'Université Catholique. Une étudiante de 20 ans a déclaré que cette manifestation était "d'abord destinée à montrer qu'il y a des gens qui s'opposent aux agissements de la Scientologie".
Il était grand temps de réagir, car la veille, lors d'une réunion d'information destinée à des parents, à l'Université Catholique, un émissaire de la secte était venu carrément faire sa propagande et contredire l'orateur au point que des parents excédés ont dû mettre le holà ! Peu après, le Père Claude Cesbron, Recteur de l'Université, devait recevoir une délégation scientologue comprenant un industriel angevin venu l'avertir que d'une part il avait des étudiants scientologues et que d'autre part, sous peine de poursuites, il devait faire en sorte qu'on ne parle pas de la Scientologie dans son université.
Réponse: "Savez-vous ce que c'est qu'une université
Et si vous voulez m'attaquer, j'ai 6.000 étudiants derrière
moi" (Propos recueillis le 1/10/94 de la bouche du recteur).
Mme Schweitzer a été embauchée comme directrice commerciale, par Haag, alors qu'il dirigeait l'entreprise allemande "Stahlbautechnik Neckar" à Altbach. Elle était alors scientologue débutante, mais déjà "claire". Elle bosse, et fait bosser les autres. "Au début, j'étais fière d'être une si bonne scientologue que tous les autres avaient peur de moi... les scientologues ont un pouvoir indescriptible. Il apprennent les recettes pour influencer les gens et les appliquent ". Elle est nommé "officier d'éthique" (pour rédiger les "dossiers d'éthique" sur les autres employés, scientologues ou non). Tous les renseignements sont transmis aux instances supérieures à Stuttgart, Francfort et en Angleterre.
Cette scientologue modèle n'avait pas tout compris. Faisant des rapports sur tout et tout le monde, elle signale aussi les pratiques illégales de Haag à son "superviseur", Stricker. Elle ne sait pas que Stricker et Haag sont de mèche. La seule chose qui importe, c'est de faire grimper les "stats" (statistiques, c'est-à-dire ici le chiffres d'affaire et les profits). Non seulement on ne tient pas compte de ses observations, mais elle est punie : envoyée plusieurs fois à St Hill, en Angleterre, pour y être "maniée", "auditée", punitivement - et à ses frais. C'est un enfer. Elle s'y plie pourtant : elle croit toujours à la Scientologie. Jusqu'à ce qu'elle refuse un nouveau voyage en Angleterre, juste avant Noël 1990. Haag et Stricker essayent de l'y forcer. Comme elle résiste, elle est virée, sans indemnités et sans certificats.
Suit un an de menaces et de terreur. Elle est près de se suicider. Seule la retient la pensée de ses deux enfants. Elle finit par s'en sortir, avec l'aide de sa famille, d'une association d'anciens scientologues, "Robin direkt". Mais c'est seulement en janvier 1992, après avoir été déclarée "suppressive" et "fair game" (gibier non protégé, à qui on peut faire n'importe quoi impunément) qu'elle envoie sa lettre de démission au QG scientologue aux usa, et en informe ses anciens "amis". La "propagande noire" se met en route, on l'accuse publiquement de toute sorte de turpitudes, on essaye de l'empêcher de retrouver du travail. Peut-être est-ce qui achève de l'éclairer, et lui rend des forces pour lutter. Elle parle : à la PJ, au procureur, à la Treuhand, au Verfassungschutz (Bureau de la protection de la Constitution) - à la conférence de presse du syndicat à Berlin et à Riesa. Fin juillet 19992, elle gagne son procès contre Haag, qui voulait lui faire interdire de témoigner publiquement.
Cette histoire pourrait paraître incroyable, mais seulement
à ceux qui ne savent pas ce qui s'est passé depuis longtemps,
et en bien des pays. Sur cette affaire, sur les affaires de Haag et celles
d'autres scientologues en Allemagne ces dernières années,
voir : Der Sektenkonzern (le Konzern de la secte) par Liane von
Billerbeck et Frank Norhausen, Ed. CH. LINKS, Berlin 1993.
En mai 94, se tenait à Philadelphie le congrès de l'Association Américaine de Psychiatrie. La Scientologie (Citizen Commission on Human Rights, Commission des Citoyens pour les Droits de l'Homme) avait réussi à disposer d'un bureau d'accueil dans l'enceinte du congrès. Un psychiatre français, bien au courant des menées de la secte contre la psychiatrie, plus qu'étonné, en a rapporté la littérature concernant l'usage du Prozac, médicament antidépresseur dont l'Ordre National des Médecins français rappelait récemment qu'il n'est employé que sur ordonnance et sous contrôle médical.
Une fois de plus, apparaît au grand jour la capacité
d'infiltration de la Scientologie.
A la fin 1992, un certain Gerhaard Haag informait ses co-scientologues
allemands, membre de WISE (World Institute of Scientology Enterprises -
Institut Mondial des Entreprises de la Scientologie), des "nouvelles fantastiques"
qu'il rapportait d'Albanie. Il invitait ses collègues à le
rejoindre rapidement à Tirana, afin de mettre la dernière
main à un grand projet. Le siège du bureau de ce "Projet
A" était établi à l'institut CCI (Coordination, Communication,
Innovation) d'un autre scientologue, Reinhold Striker, à Dreieich
(Allemagne).
Un magazine de la télévision bavaroise, "Report", a enquêté très sérieusement sur l'affaire, sur place (en Albanie) et en Allemagne. L'émission a été diffusée le 8 octobre 1993, et a fait du bruit.
Les reporters se sont rendus, entre autres, à la Bibliothèque Nationale de Tirana : celle-ci ne possède quasiment pas d'ouvrages occidentaux, mais la bibliothécaire leur montre des piles de livres de Hubbard, dons de la Scientologie.
Au Centre culturel, le directeur leur raconte que Haag a exigé des locaux pour des cours et des travaux pratiques de Scientologie et lui a promis, en échange, de lui donner pour 30.000 $ de livres de Hubbard ; et aussi d'envoyer gratuitement deux albanais en Angleterre pour un stage de trois mois - sans doute à Saint Hill Manor, le centre de Scientologie.
A l'Université de Tirana aussi, Haag a déjà organisé des cours de Scientologie. Selon le Doyen de la Faculté d'économie, ces cours s'adressaient à des professeurs et des étudiants, mais aussi à des fonctionnaires de ministères et d'institutions albanaises, et même à des employés d'entreprises privées.
A l'ambassade d'Allemagne non plus, Haag n'était pas inconnu.
Il y est persona grata. Il est considéré comme un
investisseur sérieux, représentant une entreprise de bonne
réputation. Il a raconté à l'ambassadeur qu'il avait
obtenu une garantie bancaire pour son grand projet. "J'ai donc supposé
qu'il était solvable, et c'était la seule question qui nous
intéressait".
Construction, presse, agriculture, tourisme, banque, télécommunications, informatique, techniques de management : tous les secteurs économiques sont visés dans le "projet A".
Mais comment Haag et Stricker se sont-ils ainsi introduits partout en Albanie Les chemins empruntés sont typiques : Haag est un industriel allemand, peu connu, mais au parcours mouvementé ces dernières années (voir plus loin). Pour ses affaires, il a recours aux services d'un cabinet d'avocats de Munich, Maîtres Scheele et Warnke. Or, Maître Warnke est aussi député au Bundestag, ancien ministre de l'Aide au développement. Erich Riedl, lui aussi député bavarois au Bundestag, raconte à l'équipe de "Report" que Maître Warnke lui a demandé d'inviter son ami et associé Scheele à un dîner donné en l'honneur du Président albanais, en visite officielle à Bonn, en 1992. (M. Rield avait été cinq ans responsable des relations économiques germano-albanaises). Scheele, lui dit Warnke, s'intéresse à l'Albanie. M. Riedl accède à cette demande, la recommandation de cet ancien ministre lui paraissant suffisante. Le ministère allemand de l'Economie confirme que Scheele a ensuite recommandé Haag pour un séminaire sur l'Albanie, avec des fonctionnaires de haut niveau. Et c'est ainsi que Haag, qui ne manque pas de bagou, s'est lancé dans les affaires albanaises, avec la bénédiction du gouvernement allemand, qui n'a pas fait d'enquête sur lui : n'était-il pas recommandé par un associé d'un ancien ministre Et les Albanais l'ont accepté comme présenté par le gouvernement de Bonn ; d'ailleurs, ne promettait-il pas des investissements 'Nul ne sait d'où il tirera cet argent, ni ce qu'il a fourni comme caution aux banques).
La quarantaine élégante, 1 m 90, Rolex au poignet, Haag aime les voitures de sport - et le pouvoir.
Fin 1989, il achète à Krupp l'entreprise d'Altbach, près d'Esslingen (Würtemberg) qu'il rebaptise "Stahlbautechnick Neckar" (SARL). L'usine ne marchait pas fort, mais Haag a juré d'en faire une entreprise-modèle (pour le rendement). Dès son arrivée, les cadences s'emballent, et les journées de 14 à 16 heures ne sont pas rares. Les heures supplémentaires sont payées "au noir". Au début, les salariés acceptent facilement : c'est une aubaine, et cet argent échappe au fisc. D'ailleurs, mieux vaut ne pas discuter, ou c'est la porte. Ceux qui acceptent de font complices des irrégularités. Pour justifier les sorties d'argent, on a recours à des factures gonflées, avec la complicité de fournisseurs, et aussi de sociétés-bidon. Et il y a de la main-d'oeuvre bon marché : lors d'une descente-surprise, en mai 91, la police découvre 39 ouvriers clandestins, polonais et yougoslaves. Haag doit payer des amendes, légères en comparaison des profits. Il n'hésite pas non plus à remplir son carnet de commandes grâce à des cadeaux (en allemand: "argent de graissage" - de patte !) aux acheteurs des grandes firmes (selon Capital octobre 92, édition allemande).
Au début, ça marche. Gros clients : Mercedes-Benz, la Poste Allemande, la nouvel aéroport de Munich, des installations pour la fusée européenne Ariane. Le Conseil d'Entreprise ("Betriebsrat". Il a plus de responsabilité dans la marche de l'entreprise que le "Comité d'Entreprise" en France) a été dissous, le nouveau CE est docile.
Dès sa prise de contrôle, Haag a commencé à embaucher des scientologues et à introduire les méthodes de "Ron Hubbard". Les employés sont fortement "incités" à aller aux cours de Scientologie. Mais Haag affirme : "Ma religion est mon affaire personnelle".
L'entreprise reçoit un conseiller WISE, Reinhold Stricker, patron d'un "institut CCI" (Coordination, Communication, Innovation) à Dreieich. Stricker, conformément aux règlements scientologues, fait établir des "dossiers d'éthique" où sont consignés tous les détails de la vie professionnelle, privée et même intime des employés.
Dans le bulletin interne de l'entreprise (avril-mai 91), Haag proclame que l'"idéologie Hubbard est la philosophie de la Stahlbautechnick Neckar", se référant au n° 36 de la "série financière de l'auteur de bestsellers Lafayette Ron Hubbard".
Mais cette entreprise moyenne n'est qu'un début. Haag négocie avec la Treuhandgesellschaft (société fiduciaire chargée par le gouvernement allemand de liquider les nombreuses entreprises nationalisées de l'ex-Allemagne de l'Est). Beaucoup se vendent pour une bouchée de pain, parfois 1 DM symbolique. En mais 92, Haag achète ainsi l'aciérie-laminerie de Riesa (près de Dresde) et est près de conclure la reprise de la "Be-Stahl" à Berlin-Est. Krupp est d'accord pour lui vendre une de ses filiales à Berlin-Ouest. (Krupp, qui vient de fusionner avec Hoesch, a besoin de liquidités).
Haag réagit selon les principes scientologues : en attaquant. "Tout cela n'est que calomnies". "On persécute ma religion". Il ne fait qu'aggraver les choses. La presse berlinoise enquête de son côté. Une question est posée au Bundestag par le député Konrad Weiss. Même le Président de la République, Richard von Weiszäcker, autorité morale très respectée, exprime publiquement son inquiétude. La Treuhand annule la vente déjà signée - fait rarissime - , et ne donne pas suite aux autres projets ; Krupp non plus.
Haag s'était cru assuré de l'impunité ; or, non seulement ses rêves de grandeur dans l'ex-Allemagne de l'Est se sont envolés, mais il va perdre aussi son usine d'Altbach. La situation financière a périclité, le Parquet de Stuttgart a entamé une action judiciaire au sujet des irrégularités diverses commises par Haag. Il lui faut vendre. Et vite : le protocole d'accord est signé le 29 septembre 1992. Et nous retrouvons l'Albanie : c'est à ce moment que Haag se lance dans le "projet A" et se fait présenter aux Albanais et aux fonctionnaires allemands de la coopération. Le bon accueil fait à Haag dans ces milieux montre que l'information ne circule guère dans les hautes sphères politiques. Il est vrai que Haag s'y est insinué aussitôt après ses déboires berlinois. C'était l'été, les vacances. Et ces "châteaux en Bulgravie" ne sont peut-être pas sortis brusquement de la cervelle de Haag mais avaient déjà été concoctés par WISE - en Allemagne ou plus vraisemblablement au plus haut niveau, aux Etats-Unis.
Un détail : le cabinet d'avocats qui a négocié
la vente de l'usine d'Altbach, c'est celui de Maître
Scheele. Et l'accord (non publié) stipule que Haag garde 40%
du capital (administré pour lui en fideicommis par l'acheteur, Gresbach
Industrie). Haag reste conseiller de son ancienne firme, aux honoraires
de 200.000 DM par an ; un prêt de 2.500.000 DM lui est consenti.
Ce n'est peut-être pas suffisant pour financer tous les projets albanais,
mais cela permet d'obtenir un certificat bancaire. Et les collègues
scientologues de WISE s'associeront certainement au projet.
Conclusion des journalistes de "Report" : le "Projet A" est un exemple classique de la manière d'opérer de la Scientologie. Tant que des avocats et des politiciens soutiendront les scientologues, la Scientologie grandira (voir interview de Maître Warnke).
On peut surtout noter que la Scientologie se présente comme une "technologie de management", n'ayant rien à voir avec la religion de ceux qui l'appliquent ("ma religion ne vous regarde pas") tantôt comme une "église" ou "religion", réclamant les avantages consentis aux églises et religions dans certains pays, comme les Etats-Unis, et en tout cas le respect et la tolérance accordés à toute religion dans les pays démocratiques.
Quand on examine sans préjugé les méthodes
scientologues pour infiltrer les Etats et les sociétés, on
s'aperçoit que chacune de ces approches est utilisée, selon
les circonstances et les interlocuteurs. L'Albanie a un besoin désespéré
d'investissements : les scientologues associés dans "WISE" lui en
font miroiter. S'ils s'étaient présentés comme une
"religion", ils n'auraient même pas été reçus.
Dans une interview au journal Bayrische Rundschau (Kulmbach) publiée le 20 octobre 1993, Maître Warnke (qui est aussi membre de l'Eglise évangélique luthérienne de Bavière), interrogé sur les efforts de la Scientologie pour s'implanter dans les pays de l'ancien bloc de l'Est, a répondu: "C'est une affaire qu'il faut prendre très au sérieux. Et je dois dire que l'émission de la télévision bavaroise était extraordinairement éclairante. Je ne savais pas cela. Personne ne le savait" (c'est nous qui mettons en italique). Il n'était guère curieux. Mais un responsable politique, un ministre, doit-il être absous au motif de son ignorance
SElon I.G. Metallzeitung (12.11.1993), Maître Warnke a quitté le cabinet de Maître Scheele et ass. fin octobre 1993, quelques jours avant que le Parquet de Munich n'y fasse procéder à une perquisition et saisir de nombreux dossiers concernant Haag.
La Scientologie est beaucoup plus menaçante en Allemagne qu'en France. A titre de comparaison, le n° 45 d'Impact (octobre 1992), "Le magazine de l'association internationale des scientologues" donne la liste des "patrons" : la France en avait 37 (dont 3 seulement "with honors" qui ont donné plus de 100.000 $ : Daniel Beguinot, Laurence Dallasera et Xavier Deluc. Christian et Danielle Gounord étaient simples "patrons": au moins 40.000 $ chacun, ainsi que J.J. M. et Michel Raoust. Aucun "Patron meritorius" français). Bien entendu la liste a pu s'allonger depuis, et la générosité s'accroître.
L'Allemagne, elle, en avait 224, dont 7 "meritorius" (au moins 250.000 $) et 17 "with honors".
Mais le record est obtenu par la Suisse, qui aligne à elle
seule 151 patrons, dont 15 "meritorius" et 15 "with honors".
Rapportés à la population helvète, ces chiffres sont
énormes.
Les faits déclenchant sont inscrits en italique.
L'énorme discordance entre les prétentions à la perfection affichées par la secte (et ses énormes rentrées d'argent) et la mesquinerie du geste, apparemment banal a fait prendre brusquement conscience à l'adepte du mépris de l'homme qui est de règle ; le déclic a joué, elle est partie pour toujours.
Elle raisonne alors ainsi : "Si je joue la comédie du bon retour, de la résipiscence, si moi, j'arrive à "manier" (manipuler) le soi-disant CLAIR chargé de me sanctionner, c'est réellement que l'état de CLAIR ne correspond à rien".
Elle parvint à le "manier"... et d'autant mieux qu'elle avait suivi une formation théâtrale. Aussitôt, elle tourna les talons et, mieux, elle se mit en devoir de dégriser nombre de ses co-victimes, ceci au mépris des menaces reçues.
Sa naturelle curiosité avait joué un rôle lors de son entrée, elle l'aida aussi à sortir.