C., P. et V. habitaient Strasbourg. Un ami leur fait connaître l'Atelier 9 de Nancy : « Une alternative, leur disait-il, basée sur la psychothérapie de groupe influencée par les théories d'otto Muehl, fondateur de la thérapie S.D. (Selbst Darstellung - représentation de soi) et de l'A.A.O. (Aktien Analyse Organisation). Le groupe pratiquait une sorte de théâtre spontané. Un de ses principes est le retour en enfance, on redevient bébé dans le ventre de sa mère, on est bien, un guide vous prend dans ses bras... ».
Charmé par le propos, le couple décide d'aller voir. Le premier contact est chaleureux avec pourtant une étrange impression. Les gens se ressemblaient dans les traits de leur visage, leur facon de parler, leur accent légèrement allemanisé, leurs têtes rasées, filles et garçons. En sortant de l'Atelier 9, C. et P. pensaient ne plus y remettre les pieds, l'impression d'avoir eu affaire à une secte les tourmentait. Puis, les jours passant, ils reprirent contact dans la seule idée d'apprendre méthodes et techniques A.A.O. pour les appliquer à leur propre groupe de théâtre mais P. revient, cette fois, enthousiasmée et retourne, seule, faire un nouveau stage. Le couple connaît alors une crise et pour tenter de la surmonter, C. accepte de faire un essai A.A.O. mais avec la possibilité pour chacun d'arrêter librement l'expérience. Un groupe est lancé à Strasbourg, un guide arrive de la cellule mère de Friedrichshof (Autriche) et la vie commune commence, sous sa direction toute puissante.
Il y avait à cette époque cinq groupes A.A.O. en France (Paris, Lyon, Toulouse, Nancy et Strasbourg), il en existait également en République Fédérale d'Allemagne, en Suisse, en Angleterre. Les groupes se présentaient à l'extérieur comme uniquement occupés de théâtre spontané et lançaient des invitations à les rencontrer par quelques lignes d'annonces, principalement dans les publicités payantes des journaux distribués gratuitement. Le groupe de Strasbourg connut, dès ses débuts, un grand succès : les premières réunions rassemblaient une centaine de participants. Puis, le visiteurs se raréfièrent, se rendant compte que les cours de dessin, de théâtre n'étaient que paravents pour recruter de nouveaux adeptes. A l'issue de la réunion, les visiteurs étaient informés de l'existence de la communauté et du centre de Friedrischof.
Les caractéristiques des groupes A.A.O. consistent dans la soumission au guide qui donne des autorisations pour tout, dans une organisation fortement hiérarchisée, dans une vie sexuelle librement mais exclusivement vécue à l'intérieur du groupe. Les " jeux de structure " consistent, de semaine en semaine, à établir une hiérarchie à l'intérieur du groupe : on décide qui sera premier, second, troisième, (il ou elle est mieux que moi, je voudrais devenir comme lui ou elle, le ou la dépasser). Le premier a autorité sur les autres, hiérarchie en cascade. Les femmes sont souvent " haut " dans la structure, elles ont plus de facilités dans les " jeux de structure " où l'on doit se montrer très souple. Elles dominent la situation aisément, elles ont moins de problèmes pour se " libérer ". La " danse goggi " sert également de test ; elle consiste à effectuer une sorte de jeu de théâtre sur une musique de jazz des années 1920, les mouvements et les gestes doivent être précis, ne jamais bouger les épaules, on est dirigé par quelqu'un placé plus haut dans la structure et on remarque dans quelle mesure l'adepte ou le futur adepte se laisse guider...
La libre sexualité entre les membres du groupe pose de graves problèmes à C., il ne supporte pas de partager P. avec d'autres et cela le prive peu à peu de son dynamisme initial au sein de la communauté. Il remarque d'ailleurs que, contrairement à ce qu'on pourrait croire, " les hommes assumaient moins bien que les femmes le rôle sexuel ".
Il existe trois groupes A, B, C, classés selon leur dynamisme et qui connaissent de subtiles codifications qui les différencient pour l'exercice de la sexualité de groupe. Pour obtenir un classement, il faut que le groupe rencontre le fondateur Otto Muehl à Friedrischof. C. décrit la journée chez les " Friedrishofiens " :
Et il conclut son long témoignage que ce résumé, faute de place, a dû tronquer, minimiser, obscurcir parfois, par ces quelques phrases : L'ex-adepte a tendance au silence. D'une part, son idéal, ses croyances ont été anéantis, il s'est trompé et a été trompé, c'est dur, on veut oublier. D'autre part, il s'agit pour lui d'une défaite vis-à-vis des autres, face à ses amis, il se trouve ridicule de s'être « fait avoir » ainsi et pendant si longtemps. Rien qu'au niveau de la terminologie, le mot ex-adepte comprend une connotation qui me fait mal chaque fois que je l'entends. Il vaudrait mieux employer un mot indiquant le retour à la vie, pourquoi ne pas dire « contre-adepte », « revenant »... Dans la secte A.A.O., l'adepte a plus ou moins conscience de sa situation d'opprimé/opprimeur mais il ne subit les règles fascistes que parce qu'il croit qu'elles le mènent au bonheur. Car c'est bien un bonheur que l'on recherche avant tout, bonheur personnel, égoïste (« baiser » trois fois par jour, etc...) mais on s'aperçoit tout à coup que rien ne va plus et alors, la toile d'araignée tissée autour de soi finit par craquer, l'ex-adepte se dégage et fuit mais des fils s'accrochent à lui dans sa fuite. Il lui faut beaucoup de temps, beaucoup d'efforts pour s'en débarrasser.
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